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Sentez-vous libre !

Origine : Traduction littérale de l'anglais : “Just feel free”.
Signification : S'utilise comme on dirait à un invité, “Faites comme chez vous” ou “Mettez vous à l'aise”.
Utilisation : Lors des moments de louange, on invite les gens à se sentir libres, à se lever, à danser, à applaudir ou à produire toutes autres formes de manifestation de l'Esprit. On entend parfois cette expression sous la forme “Pleine liberté”, par exemple “Pleine liberté dans la prière”.

Remplaçable : Adoptez l'attitude que vous préférez, ou bien par un impératif, par exemple: on pourrait remplacer “Sentez-vous libre de vous lever!” par “Levez-vous!”, ou “Vous pouvez vous lever !”



Si l'on fait une analyse plus détaillée de cette tournure, que peut-on y trouver ?
Tout d'abord, relevons que c'est un acte de langage indirect qui doit s'analyser en tant que tel; par ses trois fonctions: locutoire, illocutoire et perlocutoire.

  • Au niveau locutoire (les mots au sens strict), “sentez-vous libre” est une tournure paradoxale. Sentir quelque chose relève du subjectif, moi seul peut savoir ce que je ressens.“Libre” peut être un sentiment mais par sa définition même, il ne peut pas être contraint. On parle de tournure paradoxale car énoncé à l'impératif, l'ordre de se sentir libre est un non-sens.
  • Au niveau illocutoire (l'acte indirect, caché sous les mots): il devrait produire le même effet que les formules de politesse citées plus haut, à savoir, amener les gens à être à l'aise. Dans la classification des actes de langage, on pourrait dire que c'est une invitation.
  • Au niveau perlocutoire, et c'est là que cela devient intéressant. Le perlocutoire est l'effet voulu par l'énonciateur sur le destinataire. Aussi lorsque quelqu'un dit “ Sentez-vous libre”, il vous ordonne d'être suffisamment libre pour vous lever, danser, applaudir ou de produire toute autres formes de manifestation de l'Esprit.

Ce qu'il ne faudrait pas oublier… c'est qu'il s'agit d'une invitation et donc, que l'on peut la refuser. Cela implique que la personne déclinant l’invitation est une personne non-libre, alors qu’elle fait précisément usage de sa liberté en refusant, en restant assise et “ne faisant rien”, et elle risque de ce fait, de passer pour un chrétien tiède.

Il arrive pendant certains rassemblement qu'une (bonne) partie des fidèles ne se sentent pas assez libre, cela arrive plus souvent si on leur demande de se sentir libre de danser dans tous les sens que si on leur suggère de s'asseoir.

Si on prend le sujet délicat de l'offrande, situation lors de laquelle le président de culte va devoir introduire la démarche en usant la plupart du temps d'une expression du genre : “ Sentez-vous libre de donner ce que vous avez résolu dans votre cœur … ”, l'analyse prend une tournure encore plus vicieuse. L'auteur de ladite phrase est motivé par le souci de rendre les gens à l'aise et dans le cas où quelqu'un dans l'assemblée est un visiteur inhabitué aux coutumes de l'église, ce genre de protocole favorise un soulagement pour la victime de son incompréhension. Cependant, il n'y a pas que les visiteurs qui sont ignorants, dans la plupart des cas, le président lui-même ne sait pas l'effet qu'il produit. En effet, ce dernier ne réalise pas qu'en sortant une invitation à la liberté individuelle, il use d'une des nombreuses techniques de manipulation présentée dans l'ouvrage “Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens” de R.V Joule et J.-L. Beauvois.

D'après cet ouvrage tout à fait honnête et rigoureux, la technique de mais-vous-êtes-libre-de est un moyen efficace permettant d'obtenir plus d'argent dans les sachets. Pour le prouver, Nicolas Guéguen, un chercheur français, a publié les résultats de ses recherches sur ce phénomène durant l'année 2000. Il a procédé à une expérimentation dans la rue en utilisant un inconnu qui aborde les passants. Dans une première phase, l'inconnu pose la question suivante : “Excusez-moi, auriez-vous un peu de monnaie pour prendre le bus ?” sans ajouter d'autres mots. Dans ce cas, seulement 10% des gens ont consenti à dépanner le pseudo-infortuné avec une somme moyenne de 0.5 euro, mais le pourcentage peut être augmenté significativement simplement par l'adjonction de quelques mots. La deuxième phase procédait de la même manière, à la différence qu'une phrase était encore glissée avant que l'interlocuteur n'ait eu le temps de réagir : “ Mais vous êtes libre d'accepter ou de refuser.” Ici, le pourcentage passait de 10% à 47.5% pour une somme moyenne d'un peu plus d'un euro.

Il est évident que le cas de l'offrande est différente des conditions de l'expérimentation de Guéguen. Sans aller jusqu'au bout de cette discussion, il est clair qu'il y plus d'aspects que cette unique phrase qui peut être étiqueté de manipulateur. Néanmoins, on peut intuitivement comprendre que le sentiment de liberté permet à l'individu de pouvoir s'engager dans un sentiment de sécurité. Joule et Beauvois parle de soumission librement consentie qui favorise la prise de décision de la part du manipulé dans le sens voulu par le manipulateur, inconscient de l'effet qu'il produit rappelons-le. Cependant, maintenant que la vérité est mise à la lumière, il me semble qu'il sera bien plus ardu pour le bon chrétien qui usera innocemment de la formule de le faire dans des motivations parfaitement pures.

Dans nos communautés, le mot manipulation est très délicat car il faut savoir qu'elle est inévitable dans une certaine mesure. On ne peut pas reprocher à quiconque de vouloir libérer de toutes pressions autrui. Mais il en résulte, non seulement un effet agréable pour le libéré mais en plus un effet calculable sur le comportement des gens. La clé de ce problème de conscience se trouve dans les motivations réelles du cœur et il est bien entendu qu'il revient à chacun d'analyser sa position pour y remédier le cas échéant.

Permalink se_sentir_libre.txt · Dernière modification: 2013/04/01 01:19 par admin

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